Contextualisation
Les violences
sexuelles et basées sur le genre sont un enjeu mondial du vingt-et-unième siècle.
Au Burundi, elles restent une réalité et une préoccupation de santé publique.
Plus d’une femme sur deux a subi des actes de violence que ce soit de nature
émotionnelle, physique ou sexuelle, commis par un partenaire intime*.
Dans le cadre du projet Twiteho Amagara, le consortium Enabel, représenté par
l’OMS a, conjointement avec le Ministère de la Santé Publique et de la Lutte
contre le Sida (MSPLS), organisé une formation des prestataires de formations
sanitaires (FOSA) de la province de Rumonge sur la prise en charge intégrée des
victimes de violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG). Cette formation
s’est tenue la semaine du 2 novembre 2020 en province de Ngozi. Les 24
participant-e-s venant des districts sanitaires de Rumonge et Bugarama ont donc
suivi durant toute la semaine des enseignements divers et variés sur cette
thématique, allant de l’identification clinique d’une victime de VSBG en
passant par les techniques de prise en charge psychosociale ou encore l’orientation
efficace vers d’autres services pour les victimes (orientation judiciaire
notamment).
La notion de sexe et de genre
Afin
de comprendre les causes et les conséquences des violences sexuelles et basées
sur le genre, il faut d’abord être en mesure d’identifier la différence entre
les notions de sexe et de genre. Le sexe fait référence aux caractéristiques
biologiques, physiologiques et génétiques des femmes et des hommes. Le genre,
quant à lui, fait référence aux attentes de la société vis-à-vis de la façon
dont les femmes et les hommes sont censé-e-s se comporter. Il n’est pas fixe et
évolue au fil du temps. De par les siècles, fruit de la société patriarcale
dans laquelle les civilisations et générations ont de tout temps évolué, il a
généralement été associé aux femmes le fait de savoir cuisiner, de s’occuper
des enfants, de rester cantonnée, en somme, à la sphère privée. Un certain
nombre de caractéristiques est associé à la femme dans ce modèle, à savoir la
douceur, l’obéissance, la beauté, etc. A l’inverse, l’homme
est associé à la sphère publique, il se doit de gagner de l’argent, d’être
responsable de sa famille et d’être autonome. Les caractéristiques qui lui sont
associées sont la force, le courage, la rudesse, etc. Ces stéréotypes de genre
sont intégrés dans les sociétés et les cultures, ce qui fait qu’un long
processus est nécessaire afin d’aboutir à une prise de conscience sur la
gravité de la reproduction de ceux-ci.
La formation des prestataires de soins de santé
Pour illustrer
ceci, au second jour de la formation, après avoir déjà abordé diverses
thématiques liées au VSBG comme les notions de sexe et de genre, les
stéréotypes associés au genre, les formes, les causes et les conséquences de la
VSBG, les formateurs et formatrices ont décidé de mettre en pratique les
connaissances enseignées. Pour cela, l’étude de cas suivante a été présentée :
Alain et
Mariette sont mariés. La famille d’Alain vient chez lui pour dîner. Il est très
anxieux car il veut qu’ils passent tous un bon moment et il veut leur montrer
que sa femme est une bonne cuisinière. Lorsqu’il rentre chez lui ce soir-là,
rien n’a été préparé. Mariette ne se sent pas bien, et elle n’a pas encore
commencé à préparer le dîner. Alain est très fâché. Il ne veut pas que sa famille
croit qu’il est incapable de contrôler sa femme. Ils commencent à se disputer
et à se crier dessus. La dispute s’envenime, et Alain la frappe.
La première
question posée aux participant-e-s au sujet de cette étude de cas était de
savoir s’il s’agissait bien d’une forme de VSBG et si oui, de laquelle. Les
participant-e-s ont unanimement répondu que oui, il s’agissait en effet d’une
violence physique basée sur le genre. Cependant, à la seconde question qui
était de savoir s’ils et elles pensaient qu’Alain avait eu raison de frapper
Mariette, la réponse a également été presque unanimement affirmative.
Certain-e-s participant-e-s ont motivé leur réponse en expliquant qu’il lui
avait été demandé de faire ce repas, que c’était son rôle d’épouse que de
répondre aux exigences de son mari, et que par conséquent, son mari était dans
son droit de la punir pour cette erreur. Cette étude de cas met en évidence les
causes profondes des VSBG, en effet, il est socialement accepté dans notre
société qu’un homme puisse se mettre en colère et puisse l’exprimer. Il est
également courant d’utiliser la violence comme forme de punition à un
comportement qui ne répond pas à la norme en vigueur.
Ces causes
profondes entrainent de lourdes conséquences qui impactent l’état de santé des
femmes à plusieurs niveaux. Il va de soi que leur santé physique est mise à mal
lorsque des VSBG sont perpétrées à leur encontre, mais au-delà des conséquences
directes d’une violence physique, de nombreuses autres pathologies peuvent en
découler, à savoir notamment des maladies cardiovasculaires, des troubles du
système nerveux central, des maladies articulaires, des troubles
gastro-intestinaux, des douleurs chroniques, etc. La santé reproductive des
femmes et filles victimes de VSBG est aussi impactée, des troubles
gynécologiques peuvent apparaitre ainsi que des dysfonctionnements sexuels, le
développement de maladies ou infections sexuellement transmissible ou encore le
VIH/SIDA. La santé psychologique est un élément non négligeable à prendre en
considération dans le cas de VSBG, les victimes sont plus sujettes à l’anxiété,
la dépression, les troubles de stress post-traumatique, le détachement émotionnel,
les troubles du sommeil, etc. Mais la VSBG va encore plus loin dans le sens ou
elle n’affecte pas que la santé de la personne, mais également sa vie
économique et sociale avec un risque d’accès plus restreint aux services, une
stigmatisation par la communauté, un isolement par rapport aux réseaux de
soutien, un maintien ou une chute dans un cercle vicieux de pauvreté. Une prise
de conscience de la gravité des VSBG est donc primordiale afin de concourir au
bon développement du pays et les professionnel-le-s de santé doivent être les
premier-e-s à être sensibilisés et à sensibiliser. Lors de la formation, nous
avons pu récolter plusieurs témoignages à ce sujet. Par exemple, Alice*,
médecin nous explique : « j’ai
déjà eu affaire à des cas de VSBG, mais je ne savais pas que cela en était.
J’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de cas de VSBG qui étaient passés inaperçus
à mes yeux car je n’avais pas suffisamment de connaissances ».
Jacques*, infirmier a, quant à lui, été témoin, dans
son entourage de VSBG, il dit : « j’ai
assimilé beaucoup de nouvelles connaissances à propos des VSBG. J’ai par
exemple pu comprendre que l’une de mes voisines avait été victime de VSBG. Je
comprends à présent que les cas de VSBG sont hébergés partout, chez nos
voisins, dans nos familles, etc. et nous ne le savons pas ». Ces témoignages
confirment et rappellent que les VSBG sont omniprésentes dans notre société et
qu’il est indispensable d’agir rapidement.
Un manque cruel de
connaissances par rapport à ces questions s’est fait ressentir au début de la
formation. Seules 5 personnes sur les 24 présentes au total ont eu une note
supérieure à la moyenne lors du pré-test. Nombreux sont les témoignages
récoltés qui expliquent, comme Rodrigue*, infirmier que : « grâce à la formation, beaucoup de choses
vont changer. Parfois, nous faisons des choses au sein de la famille ou de la
communauté qui sont des VSBG mais nous ne le savons pas. Nous devons
sensibiliser notre entourage afin que le nombre de cas baisse. Je m’engage
personnellement à sensibiliser ma famille et mes connaissances afin d’éradiquer
ces cas malheureux ».
Les
professionnel-le-s de santé, facteurs de changement
L’espoir
est bel et bien présent pour que les choses changent mais un grand travail
reste à accomplir. Selon Alice*, il est important de : « former davantage de prestataires, ce n’est
pas suffisant de former un-e prestataire par structure ». Les
professionnel-le-s de santé sont au carrefour d’un changement possible
concernant les VSBG ; prestataires de soins, ils sont en contact direct
avec les victimes mais en tant que membre à part entière de leur communauté ;
ils et elles sont aussi écouté-e-s et respecté-e-s et sont susceptible de faire
passer des messages qui auront des impacts dans le futur. Jocelyne*, infirmière
nous a fait part de ses motivations pour la suite : « cette formation va influer mon comportement,
je vais faire tout mon possible pour sensibiliser mon entourage afin qu’il y
ait des changements de comportements. Je n’ai pas peur d’en parler avec mes
proches et de les sensibiliser, mais j’ai conscience du fait que c’est un
processus qui prendra du temps ». Le témoignage d’Alice* sur cette
question était également intéressant : « Cette formation va beaucoup m’aider, sur le plan de mon conjoint, de
mes enfants et de mon entourage, mais aussi de mes patients. C’est vrai que la
question des VSBG est tabou mais je vais profiter de cette formation pour
sensibiliser en douceur, sans être brutale, étape par étape. Je pense que cela
portera ses fruits. J’ai même déjà commencé à en parler à ma famille cette
semaine ».
* EDSB
2016-2017
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