La situation
sanitaire du Bénin reste marquée par des taux de mortalité maternelle et
néonatale élevés malgré les efforts
continus pour son amélioration. En effet, pour 100 000 naissances, 347 mères
décèdent et 7 enfants sur 100 décèdent avant l’âge d’un an, la plupart des
décès étant évitables avec des soins préventifs et curatifs de qualité. Par
ailleurs, avec les changements du mode de vie, l’émergence et l’aggravation des
facteurs de risque, les maladies non transmissibles deviennent un défi pour le
secteur de la santé. En effet, plus d’un adulte sur quatre est hypertendu et un
adulte sur dix atteint de diabète ont besoin de soins de qualité dans un
contexte marqué par une insuffisance de
ressources humaines qualifiées et une défaillance du système de maintenance des
infrastructures et équipement. Partant de ces constats, le Bénin a entrepris
des réformes dans le secteur et a élaboré un Plan National de Développement
Sanitaire (PNDS) pour la période de 2009-2018 afin d’améliorer la gouvernance
du système et l’accès à des soins de qualité.
Initié par
l’Agence belge de développement, Le Programme d’Appui au Secteur de la Santé
(PASS Sourou) a été conçu avec l’ambition d’appuyer les cinq axes prioritaires
du PNDS : l’offre de soins, la disponibilité de ressources humaines qualifiées,
une assurance maladie universelle, un système d’investissement et de
maintenance des équipements et infrastructures et l’amélioration de la
gouvernance. Après 05 années de mise en
œuvre du PASS Sourou le bilan est reluisant même si beaucoup reste encore à
faire.
En s’alignant
sur les priorités nationales du PNDS avec un appui aux principales stratégies
prioritaires du Ministère de la Santé dans les domaines des Ressources Humaines
Sanitaires (RHS), de la Couverture Santé Universelle (CSU), la Politique
d’Assurance Qualité (PAQ), les Soins Obstétricaux Néonataux d’Urgence (SONU) et
le renforcement du Système d’Information Sanitaire (SIS), le PASS Sourou durant
ces cinq dernières années, a contribué au renforcement du système sanitaire au
Bénin. Conçu sur la base d’une approche de double ancrage qui se traduit par
une opérationnalisation des politiques/stratégies, et la recherche action
réflexive, avec utilisation des évidences pour orienter les actions, le PASS
Sourou grâce à sa flexibilité a pris en compte les besoins du système de santé
ceci en fonction de l’évolution du contexte. D’un budget total de 14 890 223
900 FCFA soit 22.700 000 € avec une contribution nationale de 1 180 722 600 CFA
soit 1 800 000 € (nature et exonérations), le programme a couvert les
départements de la Donga et du Mono et du Couffo. Le PASS comporte trois
volets, à savoir le renforcement de l’offre de services et soins de santé de
qualité, l’appui à la demande et à l’instauration du cadre de redevabilité
vis-à-vis des bénéficiaires et enfin l’amélioration de la gouvernance
sanitaire.
Durant 05 années, le
PASS Sourou a travaillé sur plusieurs axes à savoir le renforcement de la
qualité des soins, la lutte contre les maladies non transmissibles, la
disponibilité et une meilleure qualité des soins obstétricaux et néonataux
d’urgence, la santé sexuelle des adolescents et jeunes, le renforcement d’une
demande structurée des soins, le renforcement des ressources humaines,
l’amélioration de la gestion/maintenance des infrastructures et équipements,
l’appui à la gouvernance du système de santé. "Il s’agit d’un programme qui a travaillé à renforcer l’épine
dorsale du système de santé et s’inscrit dans un développement à long terme de
la qualité globale des soins et de leur accessibilité à la population",
a déclaré le Dr Didier AGOSSADOU, Secrétaire Général du Ministère de la Santé. Selon
lui, le programme a eu le mérite exceptionnel de renforcer également la demande
de soins pour un dialogue équilibré avec l’offre.
PASS Sourou, quelles actions pour quels
résultats ?
« Le PASS Sourou a été un véritable
programme d’apprentissage dont les résultats et approches méritent d’être
capitalisés », dixit un acteur universitaire.
Une progression de la qualité
des soins dans les structures de santé passant 53% en 2017 à
62% en 2018
Mise en œuvre
dans 43 Formations Sanitaires publiques/privées dont 5 Hôpitaux de Zone, la démarche
d’amélioration continue systémique, basée sur des indicateurs a permis
d’optimiser l’offre de services et des soins de santé d’une
qualité effective à la satisfaction des usagers et des prestataires.
Dans un contexte
caractérisé par une insatisfaction des bénéficiaires marquée par de
faibles taux de fréquentation des structures publiques variant entre 15 à 40%,
l’amélioration de la qualité des soins s’impose comme une nécessité et
constitue une priorité pour le Ministère de la Santé (MS). Le Programme PASS
Sourou a appuyé le Ministère de la Santé du Bénin pour la mise en œuvre de sa
politique nationale d’assurance qualité (PNAQ) visant à renforcer la qualité
des soins au Bénin. De 2014 à 2019, plusieurs actions ont été menées dans les
centres de santé des zones d’intervention du PASS Sourou. Entre autres, on peut
noter la réalisation de l’état des lieux de la qualité des soins dans les 5
départements de couverture ; la conception du système de mesure de la qualité
des soins sur base d’un ‘set’ de 230 indicateurs couvrant cinq domaines : soins
médicaux, sécurité des patients et gestion des risques, ressources humaines et
demande, infrastructures, management ; la formation et l’opérationnalisation de
86 facilitateurs « qualité » pour conduire les audits qualité ; la
réalisation d’audits qualité basés sur les normes, protocoles et standards de
soins en vigueur, prenant en compte les perceptions des patients et du
personnel dans 43 formations sanitaires incluant cinq hôpitaux de zone, un
hôpital privé associatif et 3 structures de soins privées ; l’installation et
la fonctionnalité de 5 comités de gestion des plaintes des patients dans les 5
hôpitaux de zone appuyés.
Par
ailleurs, la mise en place de comité de
pilotage assurance qualité dans chaque zone sanitaire permet aux acteurs de la gouvernance, de l’offre et
de la demande de se retrouver pour analyser les problèmes de qualité et y
trouver des solutions. Ces cadres de redevabilité sont pérennisés avec
l’engagement des élus locaux. « Ce comité de pilotage est notre affaire et
nous allons travailler à sa pérennité. C’est un cadre pour que nous élus locaux,
puissions jouer notre rôle pour la qualité des soins », a confié Mr
Ignace WOROU, maire de la commune de Copargo.
Le PASS Sourou a
induit des améliorations significatives dans la qualité des soins des zones
d’intervention. 75% des formations
sanitaires engagées dans la démarche qualité ont augmenté leur score qualité
moyen de 15% en une année. Cent
pourcent (100%) des hôpitaux appuyés utilisent systématiquement la check-list
de sécurité chirurgicale, ce qui améliore la sécurité des patients opérés ; la
conformité de la prise en charge des cas d’éclampsies lors des accouchements aux
normes dans les formations sanitaires sous démarche assurance qualité a
progressé en moyenne de 25% entre
2017 et 2018, ce qui réduit les complications graves et les décès maternels et
néonatals ; la prise en charge clinique des patients est améliorée conformément
aux normes (notamment les cas d’anémie et de paludisme graves qui sont
responsables de nombreux décès chez les enfants de moins de 5 ans) ; et 71% des patients en 2018 contre 62% en 2017 se déclarent satisfaits de
la qualité des soins reçus dans les formations sanitaires qui sont dans la démarche assurance qualité.
De plus, un
nouveau modèle d’incinérateur de conception locale est construit à partir de
matériaux locaux plus efficace et plus rentable que l’incinérateur classique de
type Montfort, donnant des chances plus grandes d’améliorer la gestion des
déchets biomédicaux.
L’accessibilité des Soins
Obstétricaux Néonataux d’Urgence (SONU) de qualité : Une réponse à la
mortalité maternelle et néonatale
Kpabegou dans le
nord du Bénin / Taibatou Ibraima est aide-soignante, au centre de santé de
Kpabegou. Elle a été formée sur l’identification des situations d’urgence
obstétricale et l’organisation des références par ambulance. Cette formation
lui permet de pouvoir identifier et référencer à temps les patients en
l'absence du personnel qualifié.
Au Bénin, la
disponibilité des Soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence (SONU) de qualité
est cruciale pour réduire les taux de mortalité maternelle et néonatale. En
2011, aucun centre de santé (Centre de Santé) des zones d’intervention du PASS
ne réunissait toutes les fonctions SONU de Base (SONUB) et seuls 5% d’entre eux disposaient de
ressources humaines formées sur les SONU. A ceci s’ajoutait une faible
disponibilité en intrants de prise en charge des SONU, une discontinuité des
prestations offertes et la quasi inexistence d’un système de référence/contre
référence (RCR).
Afin de relever
ces défis, les équipes du PASS Sourou ont entrepris des activités de
renforcement des capacités des agents de santé, d’amélioration du plateau
technique de soins, d’appui à la transfusion sanguine, d’amélioration du
système de référence et de contre-référence et d’appui aux différentes
activités d’audit de décès maternels et néo-natals et de supervision. Ainsi, il
a été mis en place deux (2) centres de formation SONU (au Centre Hospitalier
Départemental du Mono et à l’Hôpital de Zone de Djougou) équipés en modèles
anatomiques pour l’apprentissage des fonctions SONU de base (SONU-B) :
administration d’antibiotique, d’anticonvulsivants, d’ocytociques, aspiration
manuelle intra-utérine (AMIU), délivrance artificielle du placenta, application
de la ventouse et la réanimation néonatale. Le PASS Sourou a conduit la
formation de plus de 463 prestataires de maternité sur les SONU intégrant la planification
familiale et la consultation prénatale (CPN) recentrée, suivi de stages
pratiques dans les formations sanitaires. En 2018,
87%
des formations sanitaires disposaient d’au moins un prestataire qualifié formé
sur les SONU contre 5% en 2015.
On note
ainsi une meilleure disponibilité SONU B et C : 16 CS SONU B et C en 2018 dans
les zones d’intervention contre aucun en 2014 avec 59136 accouchement en
institution de soins réalisés en 2018 dans les maternités des zones
d’intervention versus 57 131 accouchements en 2017 soit un progrès de 4 %.
Par ailleurs, le
plateau technique de 110 maternités périphériques a été renforcé avec l’acquisition
de 10 ambulances, de ventouses, de kit AMIU, de pingouin, de ballons, de masques
de réanimation, d’aspirateurs, de tables d’accouchement et de tables chauffantes
de réanimation du nouveau-né. Il a été
également mis en place une réorganisation du système de référence et contre-référence avec une
amélioration du taux de référence passant de 53% à 84% entre 2014 et 2018. On
observe après la mise en place de ces actions une nette amélioration de la qualité
des SONU entre 2017 et 2018 passant d’un
score moyen qualité de 25% à 63% ; une amélioration
de la disponibilité de produits sanguins de 20% entre 2017 et 2018 dans les
zones d’intervention. De même, 50% des décès maternels ont été audités dans les
zones d’intervention du PASS Sourou contre à peine 29% au niveau national. Ces
audits permettent d’apprendre des dysfonctionnements fatals pour éviter leur
répétition. Des cadres de concertation
sur la santé des adolescents et jeunes ont été également mis en place dans les
départements d’intervention permettant de collecter des données sur la santé
sexuelle et reproductive des adolescents et jeunes de manière multisectorielle
avec une prise de décision adaptée.
STOP aux Maladies Non Transmissibles (MNT)
En 2015, Enabel a appuyé le Bénin à réaliser une enquête nationale
sur l’ampleur des facteurs de risque (FDR) des MNT suivant l’approche STEPS
Wise de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Il est apparu que parmi les
Béninois âgés de plus de 18 ans, plus de 90 % présentent au moins un des huit
FDR, que sont, l’hypercholestérolémie, une pression artérielle élevée, une
hyperglycémie et surcharge pondérale ou obésité , la faible consommation de
fruits et légumes, la sédentarité, le tabagisme et la consommation nocive
d’alcool; 26% ont une tension artérielle élevée et 23,2% sont en surcharge
pondérale ou obèses et 12,4% des femmes en âge de procréer (18 à 44 ans)
cumulent plus de trois FDR. L’ampleur des MNT au Bénin indique qu’en plus
d’être un problème de santé publique elles constituent un problème de
développement.
Comme réponse à ce problème que constituent les MNT, le PASS Sourou
a appuyé le Ministère de la Santé pour l’élaboration du plan national de
réponse aux MNT sur la période 2017-2022. Il a également appuyé
l’opérationnalisation dudit plan avec les résultats ci-après : 134 structures de santé
ont été équipées et 460 prestataires de santé formés pour assurer une prise en
charge adéquate des MNT, 3065 personnes ont été sensibilisées aux facteurs de
risque de MNT et dépistées pour le diabète et l’hypertension artérielle ;
134 Centres de Santé ont été équipés en
matériels de base pour le diagnostic et traitement des MNT les plus fréquentes
(HTA, diabète, asthme) ; 04 Associations des malades MNT dont 03 nouveaux en
2018, comptant 1976 membres sont mis en place de ; 04
outils clés pour la lutte contre les MNT au niveau communautaire ont été élaborés pour les acteurs communautaires (Relais Communautaires-RC,
associations des malades ou toute
autre organisations à base communautaire) et les
équipes d’encadrement (EEZS, chefs postes) : guide formation du RC, guide de
formation du formateur, le cahier du RC, guide de supervision du RC.
Les populations prennent la parole et des décisions touchant le système de
santé
"J’ai amené mon fils de 19 ans à l’hôpital
parce qu’il se plaignait de maux de ventre. Arrivé à l’hôpital, les agents
m’ont pris de l’argent sans administrer des soins à mon fils qui est finalement
décédé. J’ai informé les membres du bureau PUSS dans ma commune et ils ont
entrepris des démarches vers les
responsables de l’hôpital pour
comprendre ce qui s’est passé. Finalement les tords ont été reconnus et mes
frais médicaux remboursés. J’ai reçu un chèque de 70 milles",
raconte Cyriaque KLIKPEZO, victime de
rançonnement dans un hôpital du Bénin.
Rançonnement, mauvais accueil, vente illicite de médicaments,
mauvaise qualité des soins sont des maux fréquents qui minent les formations
sanitaires du Bénin. Le droit à la santé garantit des libertés, mais aussi des
droits dérivés tels que «la participation de la population au processus de
prise de décision sur les questions de santé aux niveaux national et
communautaire ». Malheureusement, les
dispositifs mis en place ne permettent pas à l’État de garantir ces droits. Il en
résulte une faible fréquentation des formations sanitaires laissant les usagers
sans recours en cas de violation de leurs droits. Pour pallier cette insuffisance, la demande de soins a été
structurée avec la création de la Plateforme Nationale des Utilisateurs des
Services de Soins (PNUSS) qui regroupe des acteurs engagés pour la défense des
droits des patients. Les membres PNUSS ont ainsi contribué à la collecte et à
la gestion des plaintes dont le nombre et la proportion traitée avec
satisfaction ont régulièrement augmenté de 2015 à 2018. Avec la mise en place
et l’animation des cadres de concertation et des comités de pilotage
départemental rassemblant les gestionnaires des services, les Plateformes des
Usagers des Services de Santé (PUSS) et les élus favorisent la redevabilité du
secteur santé envers les communautés. Lors du comité de pilotage, les résultats
des différents services de santé sont restitués avant une prise de décision
visant l’amélioration de la qualité des soins. Aujourd’hui, grâce aux PUSS, le recours pour les usagers non
satisfaits des services de santé est une réalité. En 2017, les plaintes traitées ayant abouti à
une solution s’élèvent à 389 sur un
total de 478, soit 81%.
Parmi les plaintes traitées, 46%
émanaient des femmes, ce qui montre que l’expression se libère dans un
contexte où la tradition, le patriarcat et l’organisation sociale maintiennent
la femme dans une situation de forte dépendance vis-à-vis des hommes. Les
communautés ont plus de facilité à exposer leur point de vue, à s’exprimer
quant à la qualité des services de santé et à obtenir une écoute. De même,
l’intervention de la PUSS pour gérer les conflits amène les prestataires de
soins à améliorer leurs prestations.
Les ressources humaines en santé : une priorité d’action
Le PASS Sourou a
également permis de renforcer la capacité de gestion des ressources humaines
avec l’implémentation du logiciel Irhis
et le recensement du personnel de la santé. Les capacités de production
de ressources en santé se sont améliorées avec la construction et
l’accompagnement pédagogique de l’école de formation des infirmiers et
sages-femmes de Parakou (IFSIO) qui a déjà livré sur le marché 75 agents de
santé.
Des perspectives après le Programme
La démarche d’amélioration qualité en cours constitue un moyen approprié
pour préparer les hôpitaux couverts à l’accréditation prévue dans le cadre du
volet assurance maladie de l’Assurance pour le Renforcement du Capital Humain
(ARCH). Il s’agira donc de poursuivre le renforcement du leadership de la
Direction Nationale des Hôpitaux (DNH) et des Directions Départementales de
Santé sur le processus Assurance Qualité en vue de sa pérennisation. Pour ce
qui concerne les SONU, les réflexions sur la pérennisation des centres de
formation SONU et la formation continue du personnel des maternités ainsi que
le renouvellement des équipements SONU dans les structures sanitaires sont en
cours. Par ailleurs il est prévu la sortie prochaine de 98 infirmiers et sages
femme issus de l’Institution IFSIO pour renforcer la disponibilité de personnel
dans les centres de santé, nécessitant un encadrement de leur insertion
professionnelle. Quant à la pérennisation de la PUSS, son érection en
plateforme nationale de usagers de services de santé (PNUSS), dotée de
personnalité juridique est un pas important. Des actions pour connecter davantage
la PNUSS au niveau communautaire pour un meilleur ancrage sont en voie de mise
en place : travail avec les
relais communautaires, la référence des cas vers les
centres de santé; une intégration des
données communautaires au système
d’information sanitaire ; le développement de partenariats pour une
action plus large au niveau central et national, notamment via un appui à la
mise en place d’une ligne verte pour recueillir les plaintes des usagers des
Formations Sanitaires..
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