Reece-hermine ADANWENON | 10/04/2020
Au Bénin, la
pauvreté touche 43% des ménages au niveau national et constitue la première
cause d’insécurité alimentaire. Cette
dernière a pour origine : le faible niveau d’éducation des chefs des ménages,
les mauvaises pratiques d’alimentation et de nutrition, une agriculture de
subsistance peu diversifiée, l’augmentation du prix d’achat des denrées
alimentaires et le non-respect des règles d’hygiène.
Selon l’Analyse
Globale de la Vulnérabilité et de la Sécurité Alimentaire (AGVSA) réalisée par
le Programme Alimentaire Mondial (PAM) en 2014, au Bénin, 1,1 million de
personnes sont en insécurité alimentaire, représentant 11 % des ménages. La
situation est plus critique dans certaines communes où l’insécurité alimentaire
touche plus d’un quart de la population. C’est le cas du département de
l’Atacora avec 25% des ménages en insécurité alimentaire.
Dans le but
d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans les 65 villages cibles,
des communes de Boukombé, Cobly, Matéri et Tanguiéta, situées dans le
département de l’Atacora, Enabel en complémentarité avec 4 autres partenaires
Belges ; Croix Rouge de Belgique, Île de Paix, Louvain Coopération et
Protos met en œuvre depuis janvier 2016, le Programme d’Appui Multisectoriel à
la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle dans l’Atacora (AMSANA). Cette
complémentarité d’acteurs permet de mutualiser les expertises spécifiques et
ainsi d’intervenir sur les 4 piliers de la SAN (DANS - Disponibilité,
Accessibilité, Nutrition et Stabilité). En effet, dans ces communes, l’alimentation
et les revenus des ménages dépendent principalement des activités agricoles de
la saison des pluies mais aussi des activités de transformation de produits
agricoles par les femmes et des revenus complémentaires de travaux saisonniers
effectués hors de la région. Les cultures vivrières traditionnelles qui
permettent d’atténuer la période de soudure ont été progressivement abandonnées
en faveur de la production de coton qui a un impact négatif sur la fertilité du
sol et n’est pas toujours rentable pour les producteurs. De plus, la production
de maïs bien qu’en hausse ne permet pas d’accroître la sécurité alimentaire
notamment à cause du phénomène de bradage et des pertes post-récolte. Grâce aux
différentes approches conduites par le consortium Enabel, Croix Rouge de Belgique,
Île de Paix, Louvain Coopération et Protos, plus de 10 000 ménages vulnérables ont amélioré leur
situation alimentaire et nutritionnelle. Ceci se traduit entre autres, par (1) l’amélioration
de la disponibilité des
produits maraîchers et vivriers, (2) l’augmentation et la diversification des
revenus des producteurs disposant de services économiques, (3) l’adoption par
les communautés de meilleures pratiques nutritionnelles et d’hygiène, (4) une
meilleure prise en compte des stratégies et interventions d’appui relatives à
la sécurité alimentaire et à la prévention de la malnutrition au niveau
communal, départemental et national.Des éléments de succès importants
« Il y a 03 années en arrière, nous faisions
du maraîchage et étions confrontées à un problème de divagation des animaux qui
détruisaient toutes nos cultures. Grâce à l’accompagnement du partenaire, nous
avons pu sécuriser notre site avec des grillages en fer, que nous avons nous
mêmes tissé. Nous avions également un problème d’eau. Pendant la saison sèche
nous avons d’énormes difficultés pour arroser nos plants. Grâce au partenaire,
nous avons pu creuser des puits et avons de l’eau à notre disposition toute
l’année. Dans nos maisons, depuis que nous sommes accompagnées par AMSANA, nos
assiettes sont mieux remplies. Nous utilisons nos produits de maraîchage pour
améliorer nos repas. Nous avons dans nos assiettes des légumes et des fruits
que nous cultivons nous-mêmes. Ensuite nous pouvons commercialiser le reste de
la production et cela nous permet d’avoir un peu d’argent pour subvenir aux
besoins de nos enfants (scolarité, soins de santé et habillement) », témoigne
Odile UNTUWA KOUAN-KOUAN GOU,
présidente de l’Association des femmes maraîchères de Boukombé.
Depuis 2016 Enabel, en tant
qu’institution de coordination du programme AMSANA, œuvre à promouvoir les
synergies d’actions sur le terrain avec pour objectif la réduction de la faim
et l’amélioration de la diversification alimentaire des ménages. Ainsi, après 04 ans d’intervention, les changements observés sont
importants pour les ménages accompagnés sur différentes thématiques
(maraîchage, maïs, fonio, amélioration des revenus, conseils nutritionnels,
accès à l’eau potable mais aussi intégration maraîchage pisciculture et gestion
des déchets solides ménagers). Au niveau des cultures maraîchères et du maïs, par
exemple, les techniques de production agro écologiques sont maîtrisées. Aujourd’hui,
l’assolement des sites maraîchers est de plus en plus efficace pour
améliorer la diversification alimentaire des ménages, grâce à une importante
diversification aussi bien des spéculations traditionnelles (crincrin, gombo,
etc.) qu’exotique (carotte, choux, etc.) sans oublier l’association des
fruitiers (papayes, bananes, agrumes) et dans certains cas, l’introduction
de la pisciculture.Selon Jacques CHABBERT, Coordinateur Enabel/AMSANA, en plus de cet assolement cohérent, aujourd’hui l’ensemble
des sites maraîchers d’AMSANA bénéficient de clôtures métalliques produites
localement. Cela permet de commencer beaucoup plus tôt la mise en culture, mais
aussi de mieux protéger les produits maraîchers en saison sèche. Durant 04 ans d’intervention, aux côtés des ménages
bénéficiaires, des milliers de personnes ont changé, de façon irréversible,
leur manière de faire. Ce changement n’a pu se réaliser que grâce à
l’implication de l’ensemble des équipes des structures d’intervention, qui sont
passées du statut ponctuel d’agent de développement au statut durable d’acteurs
de changements.
Des chiffres et des
faits…
Enabel : La sécurité alimentaire et
nutritionnelle améliorée
En totale synergie avec les partenaires impliqués dans le
maraîchage (Iles de Paix, Protos et Croix rouge), on compte sur l’ensemble des
4 communes pas moins de 20 sites maraîchers et 8 écoles qui ont
intégré la pisciculture à leurs activités maraîchères. En complément de ces
approches « collectives » 47 bacs hors sol « individuels »
ont aussi été mis à disposition des ménages, pour qu’ils pratiquent la pisciculture à l’échelle familiale. La
dynamique de la Croix-Rouge pour les conseils nutritionnels, à travers les
groupes communautaires, a fondamentalement changé les pratiques nutritionnelles
et d’assainissement du cadre de vie des communautés. Les Micro-Projets, portés
par Louvain Coopération, ont amélioré le niveau de revenus des ménages, ce qui
leur permet de consacrer plus de moyens à l’alimentation sans négliger pour
autant les charges liées à l’éducation et à la santé.
Croix Rouge : Des
pratiques d’hygiène et nutritionnelles améliorées
En termes d’hygiène et d’assainissement que ce soit pour le lavage des
mains ou la construction de latrines, d’importants changements ont été observés.
Dans le village de Tchawassaka par exemple, la défécation à l’air libre est presque
éliminée : il y a au moins une latrine par ménage. Aujourd’hui
96% des enfants se lavent systématiquement les mains avant les repas, contre 5%
au début du projet. Les
enfants étant une courroie de transmission entre l’école et la communauté, des jardins potagers à but pédagogique ont été mis en place dans 32
écoles. Aujourd’hui, 85% de ces enfants répliquent au niveau de leur maison les
pratiques apprises à l’école (production de pépinière et itinéraires techniques
de plusieurs spéculations par exemple). D’un point de vue général, les taux de malnutrition aigüe modérée (MAM) et sévère (MAS) ont
considérablement baissé. La MAM qui était à 5% et la MAS à 3% en début de
projet sont respectivement passé à 1.23% et 0.90%, fin 2019. Îles de Paix : Des légumes de contre-saison, du maïs
disponible et des revenus améliorés
L’utilisation de méthodes agro écologiques (lutte
biologique, compost, etc.) pour les productions maraîchères et du maïs est
aujourd’hui devenue une pratique courante pour les producteurs. De plus en plus
de ménages répliquent au niveau de leurs maisons les techniques apprises sur les
sites maraîchers. Cela permet d’améliorer leur alimentation et leur revenu. Le nombre de maraîchers qui ont produit en contre-saison en 2019 est
de 681 contre 600 prévus. La technique de compostage
promue a totalement été adoptée par les producteurs, surtout par les femmes. L’écart de rendement entre les
personnes accompagnées par le projet et les personnes non accompagnées est de 78%. Les formateurs
endogènes formés par le projet, ont accompagné à leur tour les producteurs sur
les techniques de conservation (séchage et tri au champ par exemple). Deux
types de stockage ont été introduits pour améliorer la conservation des
productions ; les Greniers Traditionnels Améliorés (GTA) et les sacs PICS tout
deux rapidement adoptés par les communautés comme moyen de stockage. A l’heure
actuelle 569 GTA ont été répliqués et 975 sacs PICS acquis par les ménages
contre respectivement 120 et 400 prévus.
Louvain Coopération : Les ménages améliorent leurs
revenus à travers les activités liées au fonio, maraîchage, maïs, élevage et
les transformations
Au niveau de la transformation
du fonio, il y a une nette amélioration en termes de décorticage, aussi bien en
milieu rural qu’urbain. En milieu rural, l’amélioration est liée aux bonnes
conditions de pilage. En milieu urbain, l’amélioration
est liée à l’acquisition, l’installation et la formation à l’utilisation de
machines de décorticage. Aujourd’hui, la transformation de fonio atteint les 12
tonnes par an, contre 4 tonnes en début de projet. La certification de
la qualité microbiologique des produits, obtenue de la DANA il y a de cela 2 ans, a contribué à l’atteinte de ce résultat pour les deux unités urbaines
situées dans la ville de Boukombé. De manière générale, la production et la
promotion du fonio sont de belles réussites.. Aujourd’hui, le prix de vente du
Kg de fonio Paddy est passé d’environ 350 FCFA en 2015 à 550 FCFA en 2019. A l’état actuel, les
communautés gagnent de l’argent grâce aux Micro-Projets initiés. Pour l’ensemble des promoteurs financés, leurs revenus se
sont accrus de 47% en moyenne entre 2018 et 2019 que ce soit pour la
production du maïs, le maraîchage, l’élevage et la transformation.Protos : Une dynamique pour
une meilleure valorisation de l’eau
Au total 9 sites de production maraîchère ont été
aménagés, avec une maîtrise améliorée de l’eau, permettant à 370
producteurs correspondant à 297 ménages de réaliser leur production sur
près de 18,25 ha. Quant à l’eau potable, le programme
a beaucoup amélioré sa disponibilité à travers la
réalisation de 13 nouveaux forages et la réhabilitation de 9 forages d’eau
potable essentiellement répartis dans les communes de Boukombé et Cobly.
Aujourd’hui
les Associations de Consommateurs d’Eau Potable (ACEP) accompagnées par le
programme, sont reconnues par les structures compétentes en tant qu’actrice
majeure de la veille citoyenne et participent à la prise de décisions sur la
qualité des services publics de l’eau. Un travail d’appropriation au niveau des
communes sur le volet eau potable a également été constaté. Certaines communes
se sont dotées d’agents supplémentaires
sur fonds propres pour assurer l’intermédiation sociale dans le
secteur. En plus de cela, plusieurs
révisions de la tarification de
l’eau ont été faites et adoptées par les conseils communaux. Des perspectives pour l’après
projet
Il est naturellement regrettable que le programme
prenne fin aussitôt, alors que d’importantes et significatives dynamiques de
changement sont en cours sur le terrain. Cependant, les approches mises en
œuvre par les institutions Belges et leurs partenaires Béninois, reposent sur
la mobilisation d’acteurs locaux qui ont bénéficié d’importants renforcements
de compétence et qui resteront des acteurs durables de changement. Dans le
cadre de la stratégie de sortie, l’ensemble des structures d’intervention facilite
l’appropriation des dynamiques de changement aussi bien par les acteurs
institutionnels que sont les services déconcentrés de l’Etat, mais aussi les
collectivités décentralisées afin qu’ils assurent, après la clôture du
programme, les facilitations nécessaires pour continuer d’améliorer le niveau
de sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages de l’Atacora.
« Actuellement,
il faut reconnaître que grâce aux dynamiques mises en œuvre de nombreux
messages sont « digérés » par les populations et les acteurs qui les
accompagnent. Ils ne réfléchissent plus sur les concepts et approches à mettre
en œuvre mais sont immédiatement dans l’action »,
a rassuré
Jacques CHABBERT, Coordinateur Enabel/AMSANA.LE MOT DES MAIRES
Richard NAMBIME, Maire de Boukombé"Je veux que Boukombé
soit une commune pilote pour la production de grillage car ce que nous y
faisons c’est du jamais vu dans la zone.
L’accompagnement des communes pour créer le poste de PF-SAN est un point
très fort qui témoigne de l’internalisation dont a fait preuve le programme
AMSANA. C’est une aubaine pour notre commune d’avoir eu, du début à la fin du
programme, une personne référente à la Mairie pour traiter les questions de
sécurité alimentaire et nutritionnelle".Théophile NEKOUA, Maire de Cobly"La production
de légumes pendant la saison sèche va nous permettre de diminuer notre
approvisionnement en légumes qui se faisait essentiellement à Tanguiéta. Il y a
quelques jours, j’ai même dit aux maraîchers de Datori que bientôt ils pourront
vendre leurs produits au Togo voisin." Paul SAHGUI, Maire de Tanguiéta "Le programme AMSANA
nous a vraiment permis d’être des acteurs du changement dans notre commune. Le
projet Déchets Solides Ménagers (DSM) nous a permis d’avoir des poubelles
installées dans presque tous les ménages et une grande partie des hôtels.
Aujourd’hui la ville de Tanguiéta est propre et c’est grâce à l’accompagnement
d’Enabel sur le projet DSM."Sorikoua SAMBIENI, Maire de Matéri"Le développement n’est pas
uniquement une question d’infrastructures, mais plutôt un système permettant à
chacun de s’auto-suffire et de se réaliser. Il faut permettre aux gens d’avoir
d’abord le minimum, notamment pour se nourrir afin que si l’on réalise une
infrastructure ils puissent l’utiliser. Avec la clôture du programme AMSANA,
nous négocions actuellement avec d’autres bailleurs de fonds pour l’aménagement
des bas-fonds pour le maraîchage et la pisciculture, cela va nous permettre de
disposer de plus de légumes et de protéines dans nos plats".
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